Le goût est matière d’apprentissage. C’est pourquoi l’étape de diversification alimentaire prédispose l’enfant à apprécier ou non certains types d’aliments. Cependant, la plupart des enfants n’aiment pas tout ce qui est amer et préfèrent le sucré, il y a donc également une composante innée dans la perception des saveurs.
Mais alors, comment le goût se développe-t-il chez l’enfant ?
Qu’est-ce que le goût ?
Le goût est une construction plurimodale du cerveau. C’est une association d’informations :
- olfactives (arômes)
- gustatives (saveurs)
- tactiles (textures)
- trigéminales (astringence, piquant)
- thermiques (chaud, froid)
- auditives (sons)
- visuelles (couleur)
Le goût est déclenché par différents stimuli présents dans ce que nous mangeons : des ions (goûts salé et acide), des acides aminés (goût umami) et des molécules (goût sucré).
Le goût umami est la 5èmemodalité gustative perceptible par la langue avec le salé, le sucré, l’acide et l’amer. Elle est induite par le glutamate présent dans les aliments tels que la tomate, le parmesan ou les sauces de poisson fermentées. « Umami » signifie délicieux en japonais.
Comment ça marche ?
Les papilles présentes dans notre bouche contiennent des bourgeons du goût constitués de cellules gustatives. Ce sont ces cellules qui possèdent les récepteurs spécifiques à chaque stimulus. Elles vont alors détecter les stimuli en provenance de la décomposition des aliments par la salive et vont les transformer en signaux nerveux. Ces signaux voyagent jusqu’au cerveau via une fibre nerveuse. Ce dernier va alors créer « une image » du goût, spécifique à chaque aliment.
Mais les enfants, eux, possèdent deux fois plus de papilles que les adultes, soit environ 10.000 ! C’est pourquoi ils sont si réceptifs aux nouveaux goûts.
Comment le goût se forme-t-il ?
Durant la vie intra-utérine
Les cellules permettant de percevoir le goût se forment lors de la 7èmesemaine de vie intra-utérine et sont fonctionnelles lors de la 13ème. Lors des 3 derniers mois de grossesse le fœtus avale et inhale du liquide amniotique en quantités de plus en plus importantes.
Des techniques d’imagerie médicale permettent de connaître les préférences du fœtus. S’il avale plus vite le liquide amniotique cela signifie qu’il apprécie l’arôme présent, et donc celui des aliments consommés par sa mère. Lorsque l’enfant naît, il a déjà une expérience des flaveurs (flaveur = saveur + odeur) via le liquide amniotique et donc le régime alimentaire sa mère.
Durant l’allaitement
Par la suite, lors de l’allaitement, les molécules odorantes continuent de voyager de la mère à l’enfant via les canaux galactophores. Ainsi, le bébé poursuit son apprentissage des flaveurs via le lait maternel. Ceci explique pourquoi les enfants allaités ont souvent tendance à accepter une plus grande variété d’aliments que les enfants nourris au biberon.
La préférence pour le goût sucré et le rejet de l’amer
Les enfants ont une préférence innée pour le goût sucré et cela pour 2 raisons.
Premièrement, lorsque la mère mange ceci fait monter le taux de glucose sanguin et par conséquent le taux de glucose dans le liquide amniotique. Le fœtus perçoit ces variations et associe donc très tôt le goût sucré à l’apport énergétique lui permettant d’assurer sa croissance et ses réserves.
Deuxièmement, la perception d’un goût sucré entraîne l’activation du système de récompense via l’augmentation de la synthèse de sérotonine. Ce neurotransmetteur est connu pour être la molécule du bien-être. C’est pourquoi le goût sucré est associé au plaisir et au bien-être.
L’amer, quant à lui, est le goût de la répulsion. Il est généralement présent dans les aliments avariés et sert à prévenir les risques d’intoxication. Ici aussi il s’agit d’une réaction innée permettant d’assurer la survie de l’individu.
Etienne de Condillac écrivait en 1754 dans le Traité des sensations : « La nature nous donne des organes pour nous avertir par le plaisir de ce que nous avons à rechercher et par la douleur de ce que nous avons à fuir ».
Donc, si à votre grand désarroi bébé aime tout ce qui est sucré (bonbons, desserts) et rejette tout ce qui peut être amer (légumes), c’est en réalité tout à fait normal !
Mais alors comment faire pour que bébé mange ses légumes ?
Les conseils pour faire apprécier les légumes aux enfants
Le premier conseil, pour la maman, est de consommer un maximum de légumes, et même les plus amers (aubergines), lors du troisième trimestre de grossesse. Ainsi, ces saveurs vont voyager jusqu’au bébé et, bien qu’elles soient très atténuées, vont lui permettre de s’y familiariser.
Le deuxième conseil est de lui proposer une grande variété d’aliments. Aux alentours de 5 mois, bébé est très enclin à découvrir de nouveaux goûts, profitez-en pour introduire toutes sortes d’aliments dans son assiette. Les comportements alimentaires observés durant les 2 premières années de la vie influencent fortement les comportements alimentaires à l’âge adulte ! Ainsi, si bébé apprend à manger de tout et donc à aimer de nombreux aliments, il continuera de les apprécier en grandissant.
Ne vous arrêtez pas au premier rejet. Continuez de proposer les aliments, même si bébé les rejette. Des études ont montré qu’il était nécessaire de présenter en moyenne 8 fois un aliment non apprécié avant que l’enfant commence à l’aimer et à le consommer.
Comment s’y prendre lors de la phase de néophobie alimentaire ?
Aux alentours de 2 ans, les enfants entrent généralement dans une phase dite de « néophobie alimentaire ». A cet âge, l’enfant devient plus autonome et se fait généralement son propre avis sur les choses. Il n’est pas rare qu’une nouvelle texture, une nouvelle couleur ou une nouvelle saveur le rebute complètement. Si l’une de ses habitudes de consommation est modifiée, l’enfant va alors se méfier jusque parfois au refus de manger. Le fait de présenter l’aliment différemment ou de rajouter une herbe aromatique, ou n’importe quel autre changement, représentera une nouveauté pour lui.
Ici aussi il est important de présenter l’aliment plusieurs fois à l’enfant. Même s’il l’appréciait auparavant, il peut le rejeter maintenant, parce que son aspect a changé ou tout simplement pour vous montrer qu’il s’affirme et qu’il est capable de faire ses propres choix. Continuez de lui présenter les aliments rejetés à de nombreuses reprises mais surtout ne le forcez pas à terminer son assiette. A cet âge, les enfant ont la capacité de connaître les quantités qu’ils sont capables d’ingérer. En effet, un aliment à la densité énergétique élevée va conduire à un rassasiement appris. Laissez-le donc consommer la quantité qu’il souhaite, il saura se réajuster sur les prochains repas s’il estime que cette dernière n’était pas suffisante.
Conclusion
L’appréciation d’aliments nouveaux est modifiée par :
- L’histoire alimentaire, y compris pendant la vie intra-utérine ainsi que l’alimentation lactée
- L’exposition répétée aux aliments
- Les propriétés sensorielles des aliments (texture, saveurs, arômes)
- La variété d’aliments proposés
- Les prédispositions génétiques
- Les pratiques familiales en matière d’alimentation (environnement, contexte…)